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Les facteurs environnementaux et l’apprentissage

La question qui se pose est la suivante : les Hommes peuvent-ils améliorer leurs facultés intellectuelles ou sont-ils contraints à demeurer au même niveau mental que la nature leur a conféré ?

La théorie à la base de la neurobiologie

Chez les nouveau-nés, les raccordements neuronaux existent mais sont incomplètement élaborés. Il en découle que le cerveau possède des capacités pour se développer. Les scientifiques s’intéressent alors à l’explication biologique de ce phénomène. D’après Vernon Mount Castle, physiologiste à l’Université John Hopkins, le cortex cérébral humain est décomposé en modules ou colonnes.

Organisation du cortex cérébral

Organisation du cortex cérébral

Les colonnes sont verticales à la surface du cortex et sont approximativement de 3mm de longueur et de 0.5 mm à 1mm de profondeur. Elles fonctionnent comme des entités et chacune d’entre elles possède des fonctions quasi-différentes. Chaque colonne diffère d’une autre par le nombre de neurones et de connexions qu’elle possède. Les chercheurs se sont alors questionnés sur les facteurs qui peuvent être à l’ origine de ces différences. Par injection d’une substance (contenant un acide aminé radioactif) dans les neurones, ils ont pu visualiser leur structure. Ainsi, chez un nouveau-né, ils ont remarqué qu’il existe très peu d’excroissances et les arborisations terminales sont peu développées. Cependant, à l’âge de deux ans, les fibres nerveuses possèdent de nombreuses excroissances et ont subi un développement important au niveau de leurs arborisations terminales. Cela démontre qu’au cours du temps, les circuits neuroniques subissent une maturation. Les neurones établissent des rapports avec les neurones voisins, et ceux-ci deviennent plus complexes vers l’âge de 16ans, l’âge où ce processus s’arrête.

Ainsi, pour qu’une personne puisse développer certaines capacités intellectuelles, elle doit le faire avant la fin de sa puberté.

De plus, des études récentes ont montré que certaines régions du cortex d’un individu ayant de bonnes facultés sont plus épaisses que chez d’autres n’ayant pas le même niveau intellectuel. Cette épaisseur est due à la multiplication des connexions entre les neurones. En d’autres termes, plus les connexions neuroniques sont complexes, plus l’information circule rapidement, et plus l’individu a de meilleures capacités cognitives. C’est le phénomène de plasticité : le processus par lequel le cerveau peut remodeler son organisation.

Le développement de ces circuits dans le cortex est modelé par l’environnement qui inclue les phénomènes d’apprentissages (l’acquis) et peut influencer négativement ou positivement le niveau d’intelligence.

Comment l’environnement peut-il conditionner les capacités cognitives ?

1) Influences du milieu socio-culturel

• La famille

Le cadre familial est un facteur qu’il ne faudrait pas épargner. En effet, avoir accès aux ressources de la maison et mener une vie dans un cadre sérieux favorisant les études, influencent positivement les facultés intellectuelles d’un individu.

• L’éducation

L’éducation joue un rôle majeur dans l’intelligence. Il est clair qu’un individu possédant des potentiels intellectuels doit suivre un enseignement approprié à ses capacités pour pouvoir les exploiter le plus possible, d’où l’existence d’écoles de surdoués.

• L’enrichissement environnemental

Une étude effectuée par Rosenzweig et Bennett (1996) a montré l’effet de la richesse de l’environnement sur la plasticité cérébrale. En effet, ils ont pu mettre en évidence que le cerveau des rats élevés dans un milieu enrichi, présente un épaississement du cortex traduisant un nombre de connexions synaptiques croissant. De même, ils ont observé un nombre d’épines dendritiques plus important au niveau microscopique. Ainsi, l’environnement enrichi modifierait l’arborisation dendritique du cerveau, ce qui entraîne un plus grand nombre de connexions entre les neurones.

La variation de plusieurs types de quotients intellectuels  en fonction de l’environnement dans lequel l’enfant est placé.

La variation de plusieurs types de quotients intellectuels en fonction de l’environnement dans lequel l’enfant est placé.

• Le statut socio-économique

Il y a différentes études qui relient le statut socio-économique au QI. Les individus qui ont un meilleur statut socio-économique ont 17 points de plus dans le même examen que ceux qui sont plus démunis. Une étude faite par Wahlsen en 1995, où les enfants ont été transférés de maisons à statut socio-économique modeste à d’autres dont le statut est élevé, a montré que les scores des tests se sont améliorés de 16 points. Cela veut-il dire que les enfants riches sont plus intelligents ? Bien sûr que non, mais cela veut dire que l’accès aux différentes ressources permet d’améliorer l’intelligence.

• Le mode de vie

Bob Reeves, de l’université de Melbourne, a effectué une étude qui a montré que l’évolution a modulé les gènes de l’Homme en développant son rapport à l’espace. Il a observé que les Aborigènes du Nord de l’Australie ont des compétences de repérage spatial beaucoup plus développées que les enfants scolarisés. Ceci est probablement dû au fait que dès leur plus jeune âge, ils doivent se repérer pour survivre. Ainsi, le mode de vie des aborigènes leur a permis de développer l’intelligence spatiale.

2) Influences biologiques

• Exposition aux produits chimiques toxiques et à d’autres substances

La consommation chronique d’alcool entraîne une mort neuronale importante. Le volume du cerveau des malades alcooliques diminue. Il en découle que l’alcoolisation chronique est assimilée à une maladie neurodégénérative.

En effet, suite à une consommation répétitive d’alcool, des déficits cognitifs apparaissent : ils concernent les capacités visuelles et spatiales, le contrôle de la posture donc l’intelligence kinesthésique, la capacité de planification, d’adaptation, de prise de décision, de maniement du langage. Plus ou moins longtemps après le début de l’alcoolisation chronique, des dégâts au niveau du cerveau deviennent visibles. Les substances grise et blanche se réduisent dans le cortex, le cerveau limbique (dont l’hippocampe, une structure intervenant dans l’apprentissage, la mémoire et la régulation de l’humeur) et le cervelet. En effet, l’individu connaîtra une diminution du métabolisme cérébral. Lors des IRM, cela se manifeste par un moindre flux sanguin ou par une faible consommation de glucose dans le cerveau. Aussi, l’alcool bloque l’effet excitateur du neurotransmetteur glutamate en se fixant sur le récepteur NMDA (N-Méthyl-D-Aspartate) impliqué dans l’apprentissage, la mémoire et le développement neuronal. Il entrave également l’absorption intestinale de la vitamine B, nécessaire au fonctionnement cérébral. Par ailleurs, l’alcool bloque par effet oxydant la neurogenèse adulte et donc la possibilité de renouvellement des cellules détruites.

De même, une femme enceinte buvant régulièrement de l’alcool peut causer à son enfant le SAF ou Syndrome d’Alcoolisation Fœtale, responsable d’un déficit intellectuel important. En effet, l’alcoolisation de l’embryon provoque des troubles de migration des neurones : ces derniers migrent au-delà de leur destination et entraînent une anomalie de leur emplacement et un amincissement du cortex. Des anomalies dans les structures cérébrales apparaîtront, comme par exemple l’agénésie du corps calleux. Il en résulte des troubles dans l’apprentissage verbal d’où un déficit de l’intelligence linguistique.

Dans le même rayon de substances nocives, il a été démontré que l’exposition aux drogues a des effets sensiblement négatifs sur le fonctionnement cognitif. En effet, la consommation prolongée de cannabis bloque la libération du neurotransmetteur excitateur appelé l’acétylcholine dans l’hippocampe, affectant ainsi le fonctionnement du cerveau. Cet effet chronique entraîne la baisse du volume de l’hippocampe accompagnée de la diminution des capacités d’apprentissage de lecture et de calcul.

• Nutrition

Des études ont prouvé qu’une malnutrition postnatale peut affecter le développement intellectuel : l’expérience effectuée par Isaac et collaborateurs, consiste à assigner à deux groupes d’enfants prématurés deux régimes alimentaires, l’un standard et l’autre de haut-aliment (riche en vitamines), pendant les semaines postnatales. Les scientifiques ont remarqué que le noyau caudé du groupe de haut-aliment est plus volumineux que celui de l’autre groupe. Cette différence de volume est corrélée avec la différence des scores sur les essais verbaux de QI auxquels le groupe de haut-aliment a obtenu de meilleurs résultats.

Par ailleurs, une étude faite sur 3000 enfants âgés de 5 à 13 ans a montré que l’allaitement peut dans certains cas améliorer les capacités cognitives. En effet, seul le lait maternel contient 2 acides gras insaturés (DHA ou acide docosahexaenoïque et AA ou acide arachidonique). Ces derniers vont, au cours de l’allaitement, s’accumuler dans le cerveau et par suite stimuler la mémoire des enfants et leurs facultés intellectuelles (raisonnements…). Cependant, cette influence ne va pas avoir lieu que chez les enfants possédant l’allèle A d’un gène appelé FADS2. Sans cet allèle, l’allaitement ne serait pas en mesure d’augmenter le QI.

En ce qui nous concerne, nous possédons tous au départ un alphabet de structures mentales données par l’évolution. Mais c’est l’attention portée par une culture à tel ou tel trait, qui développe nos compétences. Pour les scientifiques, ce sujet reste un débat ouvert entre les généticiens et les environnementalistes.

Lexique

  • Arborisation terminale : L’arborisation terminale est l’extrémité ramifiée de l’axone (prolongement d’un neurone) d’un neurone.
  • Plasticité : Mécanismes par lesquels le cerveau est capable de se modifier par l’expérience.
  • Connexion synaptique : connexion entre les synapses qui sont une zone de contact fonctionnelle entre deux neurones ou entre un neurone et une cellule.
  • Épines dendritiques : Structures en forme de bourgeon situées sur les tiges des dendrites (prolongement du corps cellulaire d’un neurone) permettant la connexion au neurone pré-synaptique.
  • Cerveau limbique : Zones du cerveau (sous le cortex dans la région médiane de l’hémisphère, enfoui à l’intérieur du lobe temporal) jouant un rôle dans l’olfaction, la mémoire, l’apprentissage et la régulation des sentiments.
  • Hippocampe : Structure du cerveau limbique jouant un rôle dans la mémoire et la navigation spatiale.
  • Cervelet : Structure de l’encéphale jouant un rôle dans le contrôle moteur et dans certaines fonctions cognitives tels que l’attention et le langage.
  • Neurotransmetteurs ou neuromédiateurs : Composés chimiques libérés par les neurones agissant sur d’autres neurones ou sur d’autres types de cellules.
  • Neurogenèse: Ensemble de processus de création d’un neurone fonctionnel du système nerveux ou naissance de nouveaux neurones.
  • Agénésie : Absence de formation d’un organe au stade embryonnaire.
  • Noyau caudé : Fait partie du corps strié (ensemble de 3 noyaux sous-corticaux) constitué de fibres nerveuses grises et blanches, situé à la base de l’encéphale, côtés extérieurs des hémisphères ; contrôle et régularise la motricité volontaire.